Dans son rapport au Premier ministre sur « Une stratégie de finances publiques pour la sortie de crise », la Cour des comptes s’interroge sur l’efficacité et la soutenabilité des minima sociaux. La "soutenabilité", notion intéressante ! Soutenable, la vie avec un RSA de 565 € ? La Cour aurait pu s’interroger sur la soutenabilité pour les finances publiques de l’absence d’imposition des plus grandes fortunes, qui ont explosé pendant la crise, ou sur la soutenabilité d’un niveau de taxation des hauts revenus historiquement bas. Elle aurait pu s’interroger sur la soutenabilité démocratique d’un niveau d’inégalités jamais atteint.
Ce qui est clairement insoutenable, dans un pays riche comme la France de 2021, c’est la misère. Ce qui est insoutenable, c’est que des personnes soient laissées à la rue. Ce qui est insoutenable, ce sont ces campements de fortune régulièrement évacués par la force publique et qui, faute d’offre d’hébergement, sont voués à se reproduire sans fin. Ce qui est insoutenable, c’est la situation des personnes contraintes de vivre dans un habitat indigne. Ce qui est insoutenable, c’est que l’État ne se donne pas les moyens de respecter une loi protectrice des droits du citoyen, la loi DALO, sur l’ensemble du territoire national.
Dans ce même rapport, la Cour des comptes relève que les dépenses publiques liées au logement en France sont supérieures à celles des autres pays européens. Elle omet de dire qu’elles n’ont jamais été aussi basses : 1,6% du PIB en 2019 contre 2,2% en 2009. Elle omet de dire que, pour 38 milliards de dépenses publiques, le logement rapporte à l’État 80 milliards d’euros de recettes. La Cour relève à juste titre l’insuffisance d’offre de logements dans certaines zones et nous sommes, hélas, bien d’accord sur ce constat. Elle préconise de renforcer le pilotage local et c’est sans doute pertinent. Mais pourquoi faut-il que la Cour nous ressorte l’idée d’un « recentrage » des aides au logement sur les plus défavorisés ? L’État a réduit de 3 milliards en 3 ans sa contribution aux aides personnelles au logement et celles-ci n’ont jamais été aussi étroitement ciblées. Pourquoi faut-il que la Cour, ayant constaté que les dépenses moyennes de logement des français sont supérieures à celles de nos voisins, nous ressorte l’idée d’un bail Hlm « à durée déterminée » ? Les locataires Hlm, responsables de la crise du logement ?
Il y a sans aucun doute des choses à revoir dans notre politique du logement, et il est sain que la Cour des comptes se préoccupe de son coût. Mais ce n’est pas en réduisant les mécanismes de solidarité existants que l’on assurera une politique du logement « soutenable ». C’est au contraire en réfléchissant à la façon de les compléter pour assumer pleinement le droit fondamental au logement.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO