Lorsqu’une personne se noie on lui tend la main. Ça ne se discute pas, ça ne se chiffre pas, ça se fait « quoiqu’il en coûte » et tout de suite. Il s’agit d’un réflexe d’humanité. Il s’agit aussi d’un principe de droit, celui qui est à la base de la déclaration universelle : la reconnaissance de l’égale dignité des êtres humains.
Ce principe, nous l’avions entendu dans les propos tenus par le président de la République, en juillet 2017 : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus d’ici la fin de l’année avoir des femmes et des hommes dans les rues. Dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité, c’est une question d’humanité et d’efficacité là aussi. ».
Ce cri du cœur n’a, hélas, pas été suivi d’effets. En 2022, il a fallu des mois aux associations pour obtenir que le Gouvernement renonce à réduire le nombre de places d’hébergement, des mois pour que le ministre du Logement s’engage à ce qu’il n’y ait aucun enfant à la rue cet hiver. Cet engagement non tenu, le Ministre l’a balayé d’une phrase lors de la présentation du rapport de la Fondation Abbé Pierre le 1er février dernier : « … cet engagement que j’ai pris qu’il n’y ait plus d’enfants à la rue, même si, quand on prend des engagements, il est parfois difficile de les tenir, mais il est important que je prenne ce type d’engagement. »
Au lendemain de cette journée, on a vu le Ministre, dans les colonnes de Libération, dénoncer l’« outrance » des associations. On a appris par le Canard enchaîné que le Président lui-même était remonté contre elles de ne pas savoir gré au Gouvernement d’avoir augmenté les crédits de l’hébergement d’urgence et conduit sa politique du « Logement d’abord ».
On pourrait opposer au Président et au Ministre les ponctions opérées sur les APL et dans les comptes des bailleurs sociaux. On pourrait leur rappeler que l’objectif numéro un du plan Logement d’abord était la hausse de la production de logements sociaux, et faire le lien entre l’abandon de cet objectif et la progression du sans-abrisme. Mais quels que soient les manques et les renoncements de la politique menée, il reste, face aux drames humains, à comprendre comment les éléments de langage sont venus remplacer une action qui relève de la simple assistance à personne en danger.
Dans la nuit du 26 au 27 janvier, au plus fort de l’hiver, plus de trois mille personnes ont été dénombrées dans les rues de Paris par les bénévoles mobilisés pour la nuit de la solidarité. Parmi eux des enfants. Le chiffre est énorme pour ce qu’il représente de souffrance et de danger pour chacune des personnes concernées. Il est terrible pour ce qu’il dit de notre société. Mais il est dérisoire au regard des capacités de notre pays.
Ce ne sont pas les moyens qui manquent, c’est l’humanité.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO