Le Gouvernement doit annoncer cette semaine un plan de relance de l’économie de 100 miliards d’euros, en partie financé par des fonds européens. Parallèlement le Président de la République ressuscite la fonction de Haut commissaire au Plan, qu’il confie à François Bayrou. L’action publique doit, effectivement, se fixer des objectifs et se donner des moyens. C’est vrai dans tous les domaines, et en particulier dans la mise en œuvre du droit au logement.
Malheureusement, l’action en ce domaine est marquée, depuis de très nombreuses années, par l’improvisation. On recourt chaque année à un nombre accru de chambres d’hôtels, on ouvre des places « saisonnières », puis on en « pérennise » une partie [1]. On évacue les campements et bidonvilles sans réponse alternative décente, et donc ils se reconstituent en attendant la prochaine évacuation. Depuis 2010, le nombre de places d’hébergement a plus que doublé, passant de moins de 110 000 à 250 000 [2] et, malgré cela, le nombre de sans-abris s’est accru. Faute d’analyser les causes de l’explosion des besoins, d’en anticiper les évolutions, de construire les réponses adaptées et d’y consacrer les moyens nécessaires, il y a toutes les raisons pour que cela continue.
La seule stratégie affichée en réponse à ces situations est celle du « Logement d’abord ». Supposée permettre directement l’accès au logement, elle est totalement contredite par les faits quand la production de logements sociaux faiblit, sous l’effet des ponctions gouvernementales sur le budget de l’APL et des bailleurs sociaux. L’État, au contraire du slogan affiché, se voit contraint à recourir chaque année davantage à l’hébergement hôtelier. Le mal logement ne diminue pas : logements insalubres, surpeuplés, hébergement chez des tiers... Toutes ces situations ont été rendues encore plus insupportables pendant la période de confinement. Les recours DALO témoignent de la difficulté de l’État à respecter son obligation de relogement : en 2019, 34 400 ménages reconnus prioritaires et seulement 20 800 relogés. Le non respect des délais de relogement est certes très localisé : plus de 90% en Ile de France, PACA et dans les DOM, mais que fait-on sur ces territoires où le décalage entre l’offre et la demande de logement produit une telle exclusion.
Il est temps de s’organiser pour sortir d’une situation humainement inacceptable, qui contrevient au respect de la loi et qui, au bout du compte, utilise mal l’argent public. L’action en faveur du droit au logement doit faire l’objet d’un plan. Un plan complet incluant tous les outils : la production de logements sociaux à loyer réellement abordable, l’APL, la régulation des prix de marché, l’offre de logements d’insertion et de places d’hébergement dignes. Un plan national, parce que l’État est le garant du droit et des solidarités, mais territorialisé, parce que les besoins sont très contrastés. Un plan d’urgence, parce qu’on ne peut pas accepter que des personnes restent à la rue, que des décisions prises au titre du DALO ne soient pas appliquées. Un plan ambitieux enfin, parce qu’il en va du respect d’un droit fondamental.
[1] La nouvelle ministre, Emmanuelle Wargon, a d’ores et déjà annoncé la pérennisation de 14 000 places sur 2020 et 2021.
[2] Places financées par les ministères du logement et de l’intérieur – chiffres tirés des documents du budget de l’État.