Le confinement est certainement une bonne mesure pour freiner la propagation de l’épidémie, mais il ne se vit pas de la même façon pour chacun d’entre nous.
Il y a ceux pour qui cette période sera adoucie par le confort d’un pavillon et de son jardin, ceux qui ont eu la possibilité de choisir leur lieu de confinement, quittant Paris pour une maison de famille en Normandie ou ailleurs, mais il y a aussi ceux qui le vivent à 10 personnes dans 50 m2.
L’INSEE chiffre à plus de 5 millions le nombre de personnes vivant en surpeuplement : 4,3 millions en « surpeuplement modéré » et plus de 900 000 en « surpeuplement accentué ». Le surpeuplement modéré, c’est par exemple un couple avec deux enfants en bas âge vivant dans un deux pièces. Le surpeuplement accentué, c’est la même famille dans une seule pièce. Et les situations les plus dures sont celles des familles nombreuses, avec des enfants des deux sexes et de tous âges, contraintes à vivre dans un petit logement.
Habiter un logement surpeuplé n’est bon en aucune circonstance pour la santé physique et psychique, l’équilibre affectif et l’épanouissement des enfants. Mais lorsque ceux-ci ne vont plus à l’école, ni au parc, ni ailleurs, que les parents ne vont plus travailler ou, pire, sont supposés télétravailler chez eux, cela devient tout simplement invivable. L’enseignement à distance risque de rester purement théorique pour les enfants qui vivent de telles conditions.
Le confinement va également concerner ceux qui, après une expulsion ou une séparation, ont été accueillis chez des amis, des frères et soeurs. Ils sont 643 000 selon la Fondation Abbé Pierre. Ces personnes qui, en l’absence de chez soi, habitent chez un autre, dormant sur le canapé du salon, essayant de se faire oublier, de limiter le plus possible leur présence. Désormais c’est 24 heures sur 24 qu’elles-mêmes et leurs hébergeants vont devoir vivre cette cohabitation contrainte.
Nous pourrions évoquer les personnes qui vont être confinées dans la chambre d’hôtel qui aujourd’hui, leur tient lieu de logement : de l’ordre de 50 000 au titre de l’hébergement social et 25 000 hors hébergement institutionnel. Et bien sur nous devrions parler de ceux qui, n’ayant ni logement ni hébergement social ou amical, vivent à la rue, dans une voiture, dans un abri de fortune ou un campement. Pour ces personnes, l’interdiction de sortir n’aura de sens que lorsqu’on leur aura offert un lieu d’hébergement, adapté et digne.
Mon propos n’est pas de mettre en cause une mesure sanitaire nécessaire. On peut tout de même appeler à un peu d’humanité et de discernement dans son application. Peut-on, sans prendre en compte ses conditions de logement, reprocher à une personne ou une famille d’être allée au parc un dimanche ensoleillé, lui interdire toute sortie sauf à produire (si elle dispose d’un ordinateur et d’une imprimante...) une attestation sur l’honneur justifiant d’un besoin vital. Nous ne sommes pas égaux face au confinement.
Tandis que les commissions DALO suspendent leurs réunions, la réalité du mal logement vécue par une partie de nos concitoyens va être alourdie, rendue encore plus invivable par le confinement.
La guerre contre le coronavirus exige probablement de telles mesures, mais quand déclarera-t-on enfin la guerre au mal-logement ?
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO