La loi DALO donne aux préfets une obligation claire : celle de reloger tous les ménages qui leur sont désignés par la commission de médiation parce qu’ils ne disposent pas d’un logement décent et indépendant.
On avait bien compris que les préfets ne subissaient guère de pression du Gouvernement pour respecter cette obligation. On avait bien noté que la production de nouveaux logements sociaux, nécessaire, en zone tendue, pour faciliter ces relogements n’était pas la priorité : subventions d’État ramenées à zéro, réduction des crédits APL et ponction sur les fonds propres des organismes Hlm... Même si des objectifs de production restent affichés, la diminution des moyens les rend inatteignables.
Mais on reste sans voix devant l’aveu contenu dans les documents budgétaires du ministère du logement. Le programme 135, celui qui a vocation à porter les crédits relatifs à la production des logements sociaux, contient un « indicateur de performance » qui mérite notre attention. Il s’agit du « nombre de personnes reconnues DALO logées ou n’étant plus à reloger pour 100 décisions favorables prises par les commissions de médiation ». Il est facile de comprendre que la stricte application de la loi nécessiterait que sa valeur soit de 100. Cela signifierait que, dans l’année, on a relogé autant de prioritaires qu’il y en a eu de nouveaux. En fait, compte tenu des retards accumulés, il faudrait aujourd’hui qu’il soit supérieur, et même nettement supérieur : fin 2019, environ 60 000 ménages prioritaires DALO n’avaient pas reçu d’offre dans le délai légal.
Or, ce document nous dit que cet indicateur, qui avait atteint 88% en 2017, est tombé à 78% en 2018, puis à 70% en 2019. Pour 2020 et 2021, la prévision affichée est de 79, et ce même chiffre est donné pour cible à l’horizon 2023 ! C’est un document officiel de la République, un document annexe à la loi de finances, qui nous dit que la cible de l’action gouvernementale est de reloger moins de quatre nouveaux prioritaires sur cinq. Autrement dit, la cible est de continuer à aggraver, année après année, le retard et l’allongement des délais ! Qu’on se rassure cependant : 36 millions d’euros sont budgétés pour honorer les amendes découlant du non respect de la loi...
On ne peut plus clairement acter le renoncement à la mise en œuvre du droit au logement opposable. Or – faut-il le rappeler ? –, le droit au logement n’est pas une option. Le respect des droits fondamentaux s’impose aux politiques publiques, et l’État ne peut pas se placer délibérément hors la loi.
Extrait du projet annuel de performances n°135 du Budget de l’État 2021 (p.13)