On entend souvent cette phrase : « Le DALO est le dernier recours ». Ceux qui la prononcent en déduisent aussitôt que la personne en difficulté de logement devrait, avant de déposer un recours DALO, avoir « épuisé les voies du droit commun ». On voit ainsi des commissions de médiation prononcer des rejets au motif que la demande devrait être traitée dans le cadre d’un dispositif de priorisation ordinaire, tel que le PDALHPD [1]. On en voit d’autres exiger que six mois voire un an se soient écoulés après le dépôt de la demande de logement social, quand bien même le requérant est dépourvu de logement. Des demandeurs d’hébergement voient leur recours rejeté au motif qu’ils n’ont pas sollicité le SIAO [2].
De telles décisions sont contraires au droit. Elles reposent sur une idée fausse, car le DALO est tout autant le premier que le dernier recours, puisqu’il n’y en a pas d’autre à la disposition de la personne mal logée.
Certes la réglementation a posé l’exigence de « démarches préalables ». Sauf à rencontrer un obstacle particulier, il est de bon sens, pour être logé, de faire sa demande de logement social avant de saisir la commission de médiation. Mais le mot « préalable » ne définit pas un délai. La loi dit, au contraire, que les personnes non logées ou mal logées peuvent faire recours sans condition de délai, et les tribunaux le rappellent avec constance.
Il y a effectivement des voies « de droit commun » destinées à assurer le traitement prioritaire des demandes de logement social des personnes en difficulté. Mais il ne s’agit pas de voies de recours ouvertes au demandeur : celui-ci ne peut ni demander lui-même à y être inscrit, ni contester le fait de ne pas l’être. Lorsqu’il y est inscrit il ne dispose pas des garanties qu’apporte le recours DALO : une obligation de résultat pour le préfet, la capacité pour celui-ci d’imposer la candidature à un bailleur si nécessaire, un délai maximum de trois mois pour la décision, trois ou six mois pour le relogement selon le département, la possibilité de faire appel au juge si ces délais ne sont pas respectés.
Il en va exactement de même pour l’inscription des demandeurs d’hébergement au SIAO : elle ne peut être faite que par un travailleur social et elle n’apporte aucune garantie de résultat. D’ailleurs, s’agissant de personnes qui saisissent la commission de médiation pour obtenir une place d’hébergement, la notion de démarche préalable a-t-elle un sens ? Imagine-t-on qu’une personne à la rue va se procurer le formulaire Cerfa, le remplir, fournir les documents justificatifs demandés, poster le dossier et attendre six semaines la décision de la commission sans avoir commencé par appeler le 115 ? La réalité, que chacun connait, c’est que le 115, lorsqu’il est en capacité de décrocher, n’a pas d’offre à proposer à tout le monde. La réalité, c’est que les offres qu’il propose sont souvent d’une nuit, ou de quelques nuits, loin des exigences posées par le code de l’action sociale et des familles. J’ai beau chercher un motif légal pouvant justifier le rejet du recours d’un demandeur d’hébergement, je n’en trouve pas. Personne ne sollicite le dispositif d’hébergement pour faire du tourisme et c’est pourquoi la loi n’a posé aucune condition à ce recours.
Nous savons tous très bien que si des personnes sont à la rue ou mal logées, ce n’est pas par choix ou par négligence dans leurs démarches, mais du fait de l’insuffisance des réponses mises en œuvre. Ne laissons pas cette notion de « dernier recours » servir de paravent pour justifier des pratiques de tri qui sont contraires au droit.
Bernard LACHARME
Président de l’Association DALO
[1] Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées
[2] Service intégré de l’accueil et de l’orientation (chargé d’attribuer les places d’hébergement)