Régulièrement accrues depuis plusieurs décennies, les inégalités ont explosé au cours des deux dernières années. Les chiffres publiés par Oxfam donnent le vertige. Le plus fortuné de nos concitoyens a vu sa richesse doubler. Son patrimoine, chiffré à 179 milliards d’euros, équivaut à celui de 20 millions de français. Loin de l’image du « premier de cordée » qui, par définition, ne peut avancer plus vite que le dernier, il faut bien constater que les progrès de cette « ultra-richesse » s’accompagnent du développement de la pauvreté et de la misère : toujours plus de personnes qui sollicitent les distributions alimentaires, de locataires dans l’incapacité de payer leur loyer et leurs charges, de sans-abris et de personnes mal logées.
Les inégalités ne sont pas inacceptables par principe, mais encore faut-il qu’elles soient justifiées et raisonnables. La déclaration universelle des droits de l’homme, considérant l’égale dignité des êtres humains, a fixé une limite aux inégalités financières : "Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires". Ce droit, aujourd’hui, n’est pas respecté et il ne peut pas l’être sans redistribution.
L’État doit sortir du dogme de la réduction des impôts. Sans redistribution, tous les discours sur l’égalité des chances sont vains. Sans redistribution, la mixité sociale continuera de reculer, les marchés de l’immobilier interdisant aux plus modestes l’accès aux territoires habités par les privilégiés. Sans redistribution on continuera à voir se dégrader les services publics : on parle à juste titre des hôpitaux, de l’école, de la justice ou de la police, on parle moins du logement qui relève aussi d’un service public et qui a vu ses moyens s’effondrer : le budget annuel des APL a été amputé de 2,5 milliards depuis 2017 et les subventions de l’État à la production de logements sociaux sont réduites à zéro. Les finances ne sont pas tout, mais le lien entre les réductions budgétaires et l’augmentation du sans-abrisme ne peut être nié.
La redistribution par l’impôt est plus qu’une exigence morale, elle est une nécessité pour maintenir à la démocratie son sens et un avenir. Faut-il rappeler que l’abstention a été majoritaire aux dernières élections législatives, les records étant atteints dans les quartiers les moins favorisés ? Faut-il évoquer le poids pris par des formations politiques qui ont pour fond de commerce le rejet de l’autre ?
Les inégalités minent notre société. Je forme le vœu que l’année 2023 soit celle d’une prise de conscience suivie d’actions concrètes.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO