Nous assistons à une surenchère politique contre les droits des migrants. Ceux-ci sont les coupables qu’on nous désigne pour détourner nos regards des véritables causes des difficultés vécues par les moins favorisés : l’explosion sans limite des inégalités et le renoncement à mettre en oeuvre les solidarités indispensables pour assurer à chacun des conditions de vie décentes. Aujourd’hui, ce n’est plus simplement l’extrême droite, c’est la droite traditionnelle qui voudrait modifier la Constitution pour nous faire sortir des textes européens et des conventions internationales sur les droits de l’homme.
Hélas, l’atteinte aux droits des personnes migrantes n’est pas seulement dans les discours et les projets pour demain, elle est déjà dans les actes d’aujourd’hui. On s’affranchit du droit, français et international, lorsque des évacuations de campements sont effectuées de façon brutale et sans offrir d’alternative à ceux qui tentent d’y survivre. On s’affranchit du droit lorsque des préfets refusent l’accueil en hébergement aux personnes en situation irrégulière, en méconnaissance du principe d’inconditionnalité pourtant inscrit dans le code de l’action sociale et des familles et dans la loi DALO. On ne s’affranchit pas du droit uniquement pour les migrants, on en sort pour toutes les personnes qui appellent le 115 et à qui aucune offre n’est faite : 600 personnes chaque soir en Seine Saint Denis. On en sort pour les personnes reconnues prioritaires au titre du DALO et qui ne sont pas relogées dans les délais légaux : 85000 ménages sont concernés, tous français ou séjournant en France avec un titre de séjour permanent.
Si le droit n’est pas une protection absolue, il est un garde-fou nécessaire. Il permet de faire appel au juge pour rappeler aux autorités compétentes leurs obligations. Cet État de droit s’appuie à la fois sur notre Constitution, sur nos lois et sur les textes internationaux que nous avons ratifiés. Le droit international pose des principes universels et la France a largement contribué à leur affirmation. Peut-elle les rejeter sans se renier ? Peut-on se dire défenseur des « valeurs de la France » et s’affranchir du respect des droits humains. Le cadre du droit international n’interdit pas à un pays de limiter l’accès à son territoire, mais il impose d’agir à l’égard de tous dans le respect de la dignité humaine. Nier les droits des migrants, c’est porter atteinte à cette dignité et c’est mettre en cause nos droits à tous.
En réalité ce dont les citoyens ont besoin, ce n’est ni de bouc émissaire, ni de permettre à leurs dirigeants de sortir des cadres du droit. Bien au contraire, ce dont les citoyens ont besoin c’est que l’État de droit soit conforté et que des politiques, réalistes et efficaces, soient mises à son service.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO
À lire sur le sujet, le livre que vient de publier la Feantsa :
L’apport européen et international au droit au logement