En décembre 2006, la présence de sans-abris le long du canal Saint Martin, rendus particulièrement visibles par les tentes rouges des Enfants de Don Quichotte, avait conduit à l’adoption de la loi DALO. En décembre 2022, alors que les sans-abris n’ont jamais été si nombreux, alors que même des enfants sont à la rue, nous regardons ailleurs....
Le 5 décembre, 5014 personnes ont appelé le 115 sans obtenir de places d’hébergement. 56% des demandes concernaient des familles, dont 1346 enfants. Et ces chiffres sont loin de rendre compte de la réalité : 70% des personnes sans abri ne tentent même plus d’appeler, faute d’espoir que le 115 soit en mesure de décrocher, et de leur proposer une place. Ce drame ne se déroule pas à l’autre bout du monde, il a lieu ici, dans un pays prospère qui aime à s’afficher comme promoteur et défenseur des droits fondamentaux.
L’Assemblée nationale regarde ailleurs lorsqu’elle vote une proposition de loi contre les occupants sans titre. Ce texte ne contient aucune mesure pour s’attaquer aux causes des squats et des expulsions locatives : le décalage croissant entre le niveau des loyers et celui des ressources, le manque de crédits et de terrains affectés à la production de logements abordables. Au contraire, il entend frapper de peines de prison et de lourdes amendes tous ceux qui, faute d’offre de relogement, squattent des immeubles vacants ou se maintiennent dans les lieux après un jugement d’expulsion. S’il est définitivement adopté, ce texte conduira à la mise à la rue de milliers de familles supplémentaires.
Heureusement toute la société ne regarde pas ailleurs. Les associations sont plus que jamais mobilisées pour accueillir au maximum de leurs possibilités, mais aussi pour interpeller. Interlogement 93, gestionnaire du SIAO, publie chaque jour son « calendrier de l’attente » pour témoigner de ce que vivent les personnes qui s’adressent à elle. Utopia 66, au bout de 6 nuits de campement de plus de 300 jeunes devant le Conseil d’État, a obtenu leur mise à l’abri. Des parlementaires questionnent régulièrement le Gouvernement. Des maires agissent et interpellent l’État. La maire de Strasbourg a même saisi le tribunal administratif pour obtenir de l’État qu’il assume sa responsabilité.
Car il y a bien une responsabilité, et la Cour européenne des droits de l’homme vient de le rappeler en condamnant la France pour ne pas avoir assuré l’hébergement de personnes demandeuses d’asile. Dans cette affaire, la Cour européenne relève que la préfecture de Haute Garonne n’a réagi, ni aux demandes d’hébergement des requérants, ni aux décisions du juge administratif.
La Cour européenne nous le dit : nous n’avons pas le droit de regarder ailleurs.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO
Arrêt du 8 décembre 2022 de la Cour européenne des droits de l’homme,
Communiqué du Collectif des Associations Unies