Les mesures les plus choquantes de la loi Immigration viennent d’être censurées par le Conseil Constitutionnel. Il s’agit notamment de la mise sous condition de délai de séjour du recours DALO et des APL, et des restrictions portées au droit à l’hébergement des personnes ayant reçu une obligation de quitter le territoire. Cette censure partielle ne doit pas faire oublier qu’il s’est trouvé une majorité au Sénat et à l’Assemblée pour voter sciemment des dispositions contraires à la Constitution et aux droits fondamentaux sur lesquels elle repose. Elle ne doit pas faire oublier les dispositions qui n’ont pas été censurées, telles que, par exemple, celle permettant à un département de ne pas prendre en charge un jeune majeur faisant l’objet d’une mesure d’éloignement. Et la censure n’efface pas les discours de stigmatisation et de rejet prononcés dans et hors des enceintes parlementaires.
Avant la loi Immigration, l’année 2023 avait déjà été marquée par la loi « Kasbarian », qui sanctionne les mal-logés tentant d’organiser leur survie en recourant au squat ou en se maintenant dans les lieux après un jugement d’expulsion. De surcroît, nous nous heurtons aux pratiques quotidiennes d’un État qui n’hésite pas à s’affranchir du droit protecteur : les préfets n’avaient pas attendu la loi Immigration pour s’opposer à l’accueil en hébergement des personnes en situation de séjour irrégulier. Ces pratiques contraires à la loi vont-elles cesser après le rappel au droit du Conseil Constitutionnel ? Va-t-on se donner les moyens nécessaires pour que le droit à l’hébergement et au logement soit pleinement respecté ?
Confrontées à des reculs des protections législatives, à des pratiques qui devancent ces reculs et à des discours qui les justifient et les préparent, subissant par ailleurs une fragilisation financière, les associations qui oeuvrent pour la solidarité et l’insertion sont en souffrance et en colère en ce début d’année 2024. Elles ne doivent pas céder au doute !
Ayons confiance car nous ne sommes pas seuls à résister. On a vu la mobilisation de l’ensemble des syndicats face à la loi immigration, on voit les initiatives spontanées de parents d’élèves, d’enseignants et d’élus pour obtenir la mise à l’abri des enfants, quelle que soit la situation administrative de leurs parents. Sans minimiser l’impact des discours xénophobes, aujourd’hui débridés, nous faisons le constat de la capacité de la société française à y opposer les valeurs d’humanité.
Ayons confiance car la résistance porte des fruits. La décision du Conseil constitutionnel, malgré ses limites, conforte ceux qui mobilisent les armes du droit au service des plus fragiles. C’est le travail que fait l’Association DALO avec ses partenaires et c’est ce qui, chaque jour, permet d’obtenir des relogements.
Ayons confiance en notre capacité à ramener le débat public sur ce qui fonde la démocratie : l’égale dignité des êtres humains et les droits qui en découlent. Face aux vents mauvais qui soufflent sur notre pays les associations ont plus que jamais le devoir de tenir bon.
Bernard Lacharme
Président de l’Association DALO